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Le financement des eaux pluviales urbaines, une question ravivée par des contentieux et le transfert


Synthèse : le financement des eaux pluviales urbaines, de sujet technique et (presque) confidentiel, est devenu politique depuis que des usagers et collectifs d’usagers attaquent les collectivités qui ne sont pas en conformité avec la loi. Il est donc essentiel d’évaluer ce risque et de proposer des solutions opérationnelles aux élus qui devront prendre position. Le transfert obligatoire des eaux pluviales urbaines (EPU) aux CA au 1er janvier 2020 donnera une visibilité supplémentaire à cette question … et incite à trouver des solutions rapidement.

La loi du 3 août 2018 a clarifié les conditions d’exercice de cette compétence : dissociée de l’assainissement, cette compétence est obligatoire pour les CU et les métropoles, mais aussi pour les CA à compter du 1er janvier 2020 ; elle reste facultative pour les communautés de communes.

La question du financement de cette compétence constitue un marronnier …

En effet, ce service public est un service public à caractère administratif et ne peut être financé par la redevance d’assainissement.

Or les dépenses liées à la gestion des EPU sont souvent intégrées au budget assainissement en M49, sans qu’une contribution « eaux pluviales » soit demandée systématiquement au budget principal. Cette situation se rencontre notamment dans les collectivités dont les réseaux sont essentiellement unitaires, c’est-à-dire par lesquels transitent à la fois des eaux usées et des eaux de pluie.

Le seul texte de référence en la manière est la circulaire du 12 décembre 1978. Cette circulaire indique la proportion des charges d’exploitation que doit prendre en charge le budget général au titre des eaux pluviales dans ce cas :

  • Entre 20 et 35% pour les charges d’exploitation hors amortissements et intérêts

  • Entre 30 et 50% pour les amortissements et les intérêts

Il faut préciser que dans le cas d’équipements séparatifs, les dépenses devraient être directement portées par le budget général de la collectivité.

De nombreuses entités ne sont pas en conformité avec ces dispositions légales ; le risque est donc quasi systémique.

Le missions que nous réalisons nous montrent que la part de collectivités n’étant pas en conformité avec ces règles est élevée. Il s’agit de « petites » et de « grandes » collectivités, EPCI et communes.

La plupart d’entre elles ne versent aucune contribution eaux pluviales à leur budget assainissement dans le cas d’équipement unitaires.

Certaines (rares) versent une contribution qui dépasse les limites de la règlementation (cf. supra).

Outre la non-conformité que traduisent ces deux situations, cela signifie que le montant de la redevance d’assainissement n’est pas correct ; la redevance finançant ainsi les eaux usées, le tarif de l’assainissement ne traduit pas la réalité des coûts du service public.

Quels sont les risques encourus par une collectivité ne respectant pas ces règles ?

De technique et (presque) confidentiel, ce sujet a pris une autre importance depuis que des usagers ou collectifs d’usagers s’en sont emparés et que la justice s’est prononcée (cf. jugement du TA Pau 17/6/2019, n°1701155).

Le risque est donc avéré, financièrement non négligeable et politiquement majeur.

Or l’évaluation de ce risque sur le plan financier est-elle complexe à réaliser ? NON

L’impact « usagers » ou « contribuables » est-il important ? OUI

Comment anticiper et maîtriser le risque ?

  • 1ère étape : identifier clairement les dépenses et les recettes (et en amont les actifs et passifs) relevant des équipements séparatifs – pluvial. Ces dépenses et recettes devront être retranchées des dépenses et recettes totales du budget – assainissement.

  • 2ème étape : évaluation de la proportion des équipements « pluvial » au sein des équipements unitaires

  • Option 1 : réalisation d’une étude permettant d’évaluer la quote-part d’eaux pluviales et d’eaux usées transitant dans les réseaux de la collectivité (étude technique qui peut représenter un coût financier non négligeable)

  • Option 2 : utiliser les données disponibles relatives au linéaire de réseaux (part des réseaux unitaires dans le total des linéaires de réseaux)

  • 3ème étape : application aux dépenses et recettes totales du budget de la quote-part unitaire / total puis des quote-part « pluvial » issues de la circulaire de 1978 (fourchettes hautes / fourchettes basses)

  • 4ème étape : évaluation des impacts sur les usagers / contribuables :

  • La contribution eaux pluviales ainsi versée aura pour effet de rendre possible une baisse de la redevance d’assainissement … mais pourra générer un accroissement de la fiscalité nécessaire pour équilibrer le budget principal.

  • Ce calcul, à somme nulle pour les budgets, pourra avoir un impact important sur les différentes catégories d’usagers / contribuables (notamment pour des usagers non contribuables ou des contribuables non usagers, ou ceux dont le « gain » en redevance s’avèrera inférieur à la « perte » fiscale).

L’enjeu est donc d’évaluer le risque et de proposer des solutions aux élus qui devront prendre position : devrait-on baisser le tarif de l’assainissement, notamment dans la perspective de dépenses d’investissement à réaliser (cf. renouvellement souvent insuffisant des réseaux) ? Quel financement de la contribution eaux pluviales ? Pourra-t-on éviter une hausse de la fiscalité ?

Dans le contexte d’un transfert de compétence, la question revêt une importance particulière :

  • Cas d’un transfert des eaux pluviales urbaines :

  • Cela concerne notamment les communautés d’agglomération au 1er janvier 2020

  • La gestion des EPU étant un service public administratif, il doit faire l’objet d’une évaluation des charges transférées. Or comment, sauf à se placer dans l’illégalité, évaluer des charges si les communes finançaient le service (pour les équipements unitaires) par la redevance d’assainissement … alors que l’EPCI devra, lui, verser une contribution eaux pluviales ?

  • Cas d’un transfert de l’assainissement (sans les EPU) : dès lors que l’EPCI dispose d’équipements unitaires, la question des EPU devra être abordée ; les communes devront verser une contribution à l’EPCI à ce titre (en l’absence de transfert des EPU en parallèle de l’assainissement).

Il faut ajouter que l’évaluation des charges concernant les eaux pluviales est souvent complexe compte tenu de l’hétérogénéité des données disponibles et notamment de l’absence de fléchage des dépenses « EPU » dans les comptes des communes. L’utilisation de méthodes dérogatoires (cf. la fixation libre et la révision des attributions de compensation) s’avère souvent nécessaire.

C’est dire si le transfert des eaux pluviales aux communautés d’agglomération va certainement raviver cette question et accroître le risque de contentieux … mais aussi inciter les collectivités à trouver une solution respectueuse de la loi mais aussi financièrement et politiquement acceptables.

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