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Cédric MASERA

Piloter la transformation numérique de la collectivité territoriale


Le numérique est aujourd'hui une opportunité de simplifier certains services au public et de gagner en efficience dans un contexte très contraint financièrement.

La demande de services numériques va grandissant, les citoyens étant souvent en avance sur les usages que l'administration leur propose (usages des applications sur smartphone par exemple).

Les transformations numériques du secteur public s'opèrent sur un temps plus long. Elles représentent un enjeu pour les élus, les managers publics, l'ensemble des agents et les usagers eux-mêmes : repenser durablement les manières de faire pour garantir un bénéfice et une accessibilité aux usagers internes et externes.

Néanmoins tout n'est pas simple : loin du « rêve digital » vendu par certaines entreprises informatiques ou de services, la transformation numérique des services publics locaux passe par des projets parfois complexes avec une conduite du changement indispensable. Présentation de 5 facteurs clés de succès issus de la pratique.

Se centrer sur sa stratégie et incarner une vision

Le décideur public fait face à un effet de mode indéniable et très attirant : le numérique est partout et toutes les revues, les sites internet ne cessent de communiquer sur les attentes des publics et les leviers de transformation qu'il représente. Pourtant, il faut casser un mythe: le numérique n'est pas une fin en soi.

Pour porter ses fruits, la transformation numérique doit être pensée dans le cadre stratégique propre de la collectivité et faire l'objet d'une réflexion spécifique portée par l'institution. Le rôle des « sponsors » dans les projets de transformation est central : le portage par la Direction générale ou les élus sont des facteurs clés de succès indéniables. L'idée n'est pas de promouvoir un changement pour le changement mais de proposer des améliorations concrètes, tangibles et accessibles, qui s'inscrivent dans les mesures phares du projet de mandature et du projet d'administration.

Penser usages et promotion des usages

Les transformations numériques présentent certains risques récurrents :

  • Que le changement apparaisse comme une contrainte pour les équipes

  • ​​​Ou que la transformation se limite à la spécification détaillée d'un logiciel sans réflexion sur les changements des manières de faire

  • Que l'évolution des pratiques (et même si c'est pour les moderniser) soit vécue comme une destitution de certaines tâches devenues habituelles.

  • Que la définition du besoin des directions métiers soit « obscure »

  • Que le besoin soit centré sur un « souhait d'outil »

  • Que l'institution s'engage dans des chantiers coûteux (en ressources financières et humaines), irréalistes, avec des délais toujours dépassés

Pour limiter ces risques, une seule solution : le retour à l'usage de la technologie et à sa valeur ajoutée pour le citoyen (qualité de service), le contribuable (efficience) ou l'agent (conditions de travail).

Face à une demande du type : « je souhaite équiper tous mes agents de smartphone » une seule réponse du décideur et de la DSI s'impose : « pour quel usage ? »

Les usages numériques cibles sont souvent simples et ils se définissent par des verbes d'action avec une approche centrée sur l'usager (interne ou externe) :

  • « L'usager réalise sa demande d'aide en ligne »

  • « L'agent renseigne son application en mobilité »

Le réflexe reste difficile : une innovation organisationnelle peut permettre d'incarner cette préoccupation de l'usager ou des types d'usagers : la création d'une direction des usagers.

L'enjeu est bien de conduire le changement très en amont en promouvant des usages attractifs pour les agents et les usagers avec des gains de temps en perspective. Cela implique de réaliser une veille des nouveaux usages et de rester à l'écoute des besoins des directions métiers (y compris les non-dits).

Un projet réussi est un projet qui simplifie les processus et facilite l'accès et le partage d'une information fiable et ce pour tous les acteurs de la chaîne : agent, cadre et usager. La refonte des processus de travail ne fera qu'entériner les nouvelles pratiques impliquées par l'usage nouveau au moment de son déploiement. Avec un enjeu de durabilité des solutions et d'évaluation de la diffusion des nouvelles pratiques.

Choisir ses combats

On ne pourra pas tout transformer en même temps. Les chantiers impliqués par les transformations numériques sont souvent coûteux financièrement mais également en temps de travail pour les équipes qui ne disposent pas toujours des compétences spécifiques et qui doivent continuer à conduire le travail quotidien du service.

En amont de tout lancement d'un projet d'ampleur, il est indispensable de s'interroger sur l'opportunité de la dépense en creusant précisément les charges impliquées et surtout la participation du projet à la stratégie de la collectivité (analyse de la valeur des projets). Prioriser, arbitrer entre des besoins métiers mais également rationnaliser les projets au profit d'usages communs sont des pratiques à adopter et ce jusqu'au comité de direction de la collectivité. En ce sens, le schéma directeur des SI doit intégrer cette dimension d'arbitrage par l'alignement stratégique.

Redéfinir son « mode projet » pour accompagner les agents

Les modes projets « informatiques » classiques sont souvent centrés sur l'étape de spécification par la DSI du logiciel cible ou la rédaction d'un cahier des charges. Les étapes amont, la formation et la conduite du changement occupent trop souvent des places résiduelles et les chefs de projets « métiers » manquent de temps pour porter la dimension managériale incontestable de tels projets.

Le duo chef de projet informatique et chef de projet utilisateur est pourtant un incontournable de la démarche.

La collectivité peut décider de promouvoir un nouveau mode projet en accordant du temps et en outillant des étapes très en amont : stratégie de communication et de conduite du changement, ateliers participatifs avec les agents, refonte de processus en amont pour tirer les conséquences des nouvelles manières de faire. Le triptyque : associer-concevoir-promouvoir est la clé avec une constance des messages et du portage des projets. L'agilité de certaines méthodes est un moyen de réaliser des cycles projets plus courts centrés sur les usages et l'amélioration continue : les tests se font plus rapidement et les pratiques s'étudient et évoluent en parallèle sur des échantillons d'agents. L'Etat semble sur ce point initier des expériences intéressantes de « start-up d'Etat » : (http://www.modernisation.gouv.fr/ladministration-change-avec-le-numerique/par-des-services-numeriques-aux-usagers/startups-d-etat)

Et de plus en plus de collectivités ont recours au design thinking, une méthode qui focalise l'attention sur les besoins de sa cible en termes d'usages, qui questionne la pertinence de la problématique donnée et qui privilégie le prototypage rapide des solutions apportées afin d'en vérifier la pertinence et de les rendre tangibles.

Autant d'enjeux de transformation placent la Direction des Systèmes d'Information et ses agents dans un rôle nouveau de promotion et de diffusion des usages au sein de la collectivité mais également sur leur territoire.

Aiguiser le regard « data » de la collectivité dans son écosystème local

Big ou Open, la collectivité est productrice et exploitante de données publiques. Celles-ci sont de plus en plus stratégiques : le pilotage de la collectivité passera par la performance dans la gestion, le partage et l'exploitation des données : données RH, données financières, données métiers, données usagers. La bonne valorisation des données d'un territoire apparaît aussi comme un levier de développement économique pour celui-ci.

Les collectivités et notamment les Départements et les intercommunalités étendent aujourd'hui leur vision territoriale du numérique. Si le volet infrastructure publique est un support indispensable, la diffusion des usages sur son territoire n'en demeure pas moins un enjeu fort. Les partenariats entre collectivités (notamment pour des SIG ou l'Open Data) sont des facteurs clés de succès et les économies d'échelle et la valorisation des données publiques doivent se situer dans un écosystème local.

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