Des besoins en personnels importants qui vont s’accroître
Le métier d’auxiliaire de vie sociale connaît une crise d’attractivité sans précédent. Le nombre d’AVS actuellement sur le marché est insuffisant et les services d’aide et d’accompagnement à domicile (SAAD) font face à d’importantes difficultés de recrutement. Environ 20% des postes seraient non pourvus, selon une enquête de l’UNA menée en 2018 (1). Mais de combien d’emploi parlons-nous ?
Il est complexe de mesurer le nombre d’emplois que ce métier représente. En effet, les chiffres divergent fortement d’une étude à une autre, le périmètre des AVS à domicile n’étant pas clairement défini et se confondant avec les AVS exerçant en structure (sociale ou médico-sociale), ou avec l’intégralité des travailleurs des Services à la Personne (SAP), etc.
Toutefois, on peut estimer que le nombre d’auxiliaires de vie sociale exerçant à domicile représente un peu plus de 160 000 professionnels (2) sur un total d’aides à domicile tout public confondu de 556 000 professionnels (3).
Ces difficultés de recrutement des AVS s’aggraveront sur les 10 prochaines années car les besoins seront croissants pour deux principales raisons :
Les départs en fin de carrière concerneront une proportion importante des AVS à domicile car la population des AVS est vieillissante (4) et souvent le fruit d’une 2ème partie de carrière. Ces départs représenteront 37% des professionnels de l’aide à domicile d’ici 2030 selon un rapport de la DARES (3).
En parallèle, les besoins augmenteront fortement en raison du vieillissement de la population française, ce qui représente une augmentation nette du besoin en personnel de l’aide à domicile de 18% d’ici 2030 selon ce même rapport.
Il est donc impératif de résoudre cette crise d’attractivité du métier pour faire face aux besoins d’accompagnement des personnes âgées à domicile actuels et futurs.
Quelles sont les principales explications à la faible attractivité du métier d’auxiliaire de vie sociale à domicile ?
Le manque d’attractivité du métier d’AVS s’explique par 3 facteurs principaux.
La rémunération horaire moyenne est à peine supérieure au SMIC, et les contrats sont très rarement à temps plein. Le rapport El Khomri sur les métiers du grand âge note un taux de pauvreté élevé parmi ces métiers : 17,5% de ménages pauvres parmi les intervenants à domicile contre 6,5% en moyenne pour l’ensemble des salariés (5).
Les conditions de travail sont difficiles, notamment en raison du manque d’effectif et de la difficulté de fidélisation des professionnels. En découle une réduction des temps d’intervention, des rythmes intenses, et une crise de la relation aidant-aidé face à la faible disponibilité de l’aidant. L’indice de fréquence d’accident du travail s’élève à 95 en 2016, 3 fois supérieur à la moyenne nationale s’établissant à 33,8 (6). Le turn-over est également élevé, supérieur à la moyenne de la branche médico-sociale. Le schéma ci-contre illustre le cercle vicieux à l’œuvre pour cette profession.
En outre, les métiers du soin et de la vieillesse souffrent d’une image plutôt négative et peu valorisante. La vieillesse est considérée comme une charge et le soin auprès des personnes âgées comme un métier peu épanouissant. Ce métier attire peu les jeunes ni les hommes, il est encore exercé en grande majorité par des femmes, souvent en seconde partie de carrière.
Quelles sont les leviers pour améliorer cette situation ?
Pour augmenter l’attractivité du métier et recruter de nouveaux AVS, le salaire et la contractualisation en CDI et à temps plein des professionnels sont des leviers clefs à court terme. Cela doit permettre de recruter de nouveaux professionnels et d’améliorer les conditions d’exercice de la profession.
A moyen terme, l’attractivité passe par une amélioration de l’image dont jouit le métier via :
La clarification du périmètre du métier et des données relatives au métier pour qu’il soit mieux identifié par tous
La clarification des filières de formation et leurs adaptations aux attentes des étudiants
A long terme, la mise en place d’une politique territoriale commune, grâce à une meilleure coordination des acteurs de l’aide à domicile et grâce à l’établissement de données partagées sur le secteur, permettra de répondre aux enjeux clefs.
Les plateformes des métiers de l’autonomie en sont une illustration, elles sont portées par des conseils départementaux, des maisons de l’emploi ou d’autres structures (association, GIP, etc.). Celles-ci ont vocation à apporter des solutions aux structures de l’aide à domicile et aux établissements médico-sociaux qui peinent à recruter et à fidéliser leurs professionnels. La CNSA a fait un appel à projet pour soutenir ces plateformes, en lien avec la Direction générale de la cohésion sociale. Trois ans sont donnés pour avoir une vision large des conditions de réussite de ces structures.
Enfin, l’enjeu et son ampleur nécessitent également une politique nationale avec des moyens relevant donc du budget national, via une évolution de l’ONDAM médico-social. Ces moyens mobilisés doivent être administrés territorialement :
Par les régions : sur le volet formations initiales et continues
Par les départements, et leurs conférences des financeurs : à travers un volet complément de tarification en accordant une majoration à l’heure pour mettre en œuvre les deux pistes d’amélioration de l’attractivité suivantes.
Piste 1 : Prendre en compte la pénibilité du métier, sur les volets :
- Physique : introduire dans l’analyse du besoin du bénéficiaire, les besoins en aide technique favorisant la qualité du travail de l’AVS et la réduction de sa pénibilité
- Psychique : accorder un droit de tirage (horaire) à chaque AVS auprès d’un dispositif d’aide psychologique et/ou d’analyse de la pratique (dispositif pouvant être installé et géré à l’échelle d’un département)
Piste 2 : Offrir des perspectives de développement professionnel par :
- Une formation continue financée indépendamment de la masse salariale de l’entreprise employeuse (sur un fonds formation spécifique)
- La mise en place de formations passerelles facilitant la promotion professionnelle vers d’autres métiers du care voire du cure (AS, IDE)
Notes :
(1) Enquête de l’UNA (Union Nationale de l’Aide, des Soins et des Services aux Domiciles) menée en 2018 et citée dans le rapport El Khomri – Plan de mobilisation nationale en faveur de l’attractivité des métiers du grand-âge 2020-2024, octobre 2019 : https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/rapport_el_khomri_-_plan_metiers_du_grand_age.pdf
(2) Chiffres de la branche Aide à domicile : sont pris en compte les « agents à domicile », « employés à domicile » et « auxiliaire de vie sociale » dans le chiffre avancé : rapport de branche de l’aide à domicile, 2017 : https://www.uniformation.fr/sites/default/files/files/2019%20Aide%20%C3%A0%20domicile%20Rapport%20de%20branche.pdf
(3) Rapport de la DARES : Les métiers en 2030, mars 2022 : https://dares.travail-emploi.gouv.fr/sites/default/files/b6da88427d918e6f0a79b1b3227d5e30/Dares_m%C3%A9tiers_en_2030.pdf
(4) « L’âge moyen des salariés de l’aide à domicile (tous publics) est élevé avec une moyenne de 43,6 ans. Au total, 60% des salariés de la branche de l’aide à domicile en CSI ont plus de 45 ans et 27% ont 55 ans et plus », d’après le rapport de Dominique Libault : Concertation : Grand âge et autonomie, mars 2019 : https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/rapport_grand_age_autonomie.pdf
(5) Rapport El Khomri – Plan de mobilisation nationale en faveur de l’attractivité des métiers du grand-âge 2020-2024, octobre 2019 : https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/rapport_el_khomri_-_plan_metiers_du_grand_age.pdf
(6) Rapport de Dominique Libault : Concertation : Grand âge et autonomie, mars 2019 : https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/rapport_grand_age_autonomie.pdf
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