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EHPAD hors les murs et plateforme de services pour le soutien à domicile : quelles convergences ?


Introduction La population âgée connaît une croissance inédite et cette situation va durer une vingtaine d’années. Pour que ce vieillissement généralisé de nos populations ne rime pas, autant que faire se peut, avec perte d'autonomie, la prévention et le soutien à domicile sont les solutions et il y a désormais urgence à passer à la vitesse supérieure. Pour cela, un nombre croissant d'acteurs prend des initiatives, pour transformer cette contrainte en opportunités : vieillissement actif améliorant la durée de vie en bonne santé, développement d’emplois non délocalisables, soutenabilité des dépenses publiques.

Parmi ces initiatives, deux concepts sont en train de prendre de l’importance :

  • celui d’EHPAD hors les murs (EHPAD HM dans la suite de cet article) ;

  • celui de plateforme numérique de services pour le soutien à domicile (PNS SD).

Comme nous allons le voir, il existe de nombreuses similitudes entre ces deux concepts.


Mais tout d’abord, de quoi parle-t-on ?


Il n’existe pas de définition officielle de ces deux concepts. Les EHPAD HM, si on se réfère à la littérature des ARS sur le sujet (notamment étude CREAI pour l’ARS Pays de Loire, appel à projets de l’ARS PACA), participent d’une évolution des EHPAD d’une « logique de structure » vers une « logique de prestations » ouvertes sur leur environnement : outre l’accueil de résidents en hébergement permanent, notamment ceux ayant des maladies neuro-dégénératives importantes, ils devront développer une gamme de services alliant prévention de la perte d’autonomie (suivi médical, dénutrition, chute, isolement social et iatrogénie), droit au répit, renforcement de l’inclusion sociale et appui aux interventions des professionnels de l’aide à domicile et aux intervenants libéraux. Selon cette conception, l’EHPAD HM est positionné comme un pivot de la prise en charge des personnes âgées souhaitant rester à domicile, avec la possibilité pour elles, lorsque la dépendance s’accroit, d’accéder à certains services 24h/24 : écoute, conseils, soins, ce qui -in fine- limite les hospitalisations en particulier la nuit. Le tout s’appuyant sur un impératif de circulation de l’information entre les acteurs et de coordination de leurs interventions.


A contrario, les PNS SD ne préjugent pas de l’existence préalable d’un équipement social ou médico-social destiné à jouer le rôle de pivot. Dans les PNS SD, ce qui prime, c’est le processus de rapprochement, sur le territoire considéré, entre le besoin de soutien à domicile et l’offre disponible sur le territoire. Ce processus est basé sur un accueil téléphonique/web, un annuaire des services, un réseau d’intervenants en charge de l’évaluation et de la coordination et un cahier de liaison numérique. Dans ce schéma, il y a deux acteurs clés : d’une part, la collectivité territoriale qui impulse le projet et mobilise les réseaux locaux d’intervenants, d’autre part l’opérateur retenu pour déployer et opérer la plateforme tél/numérique.


Principaux points communs entre les deux concepts Premier point commun, la finalité : ces projets visent à prolonger la vie à domicile, en dépit des effets de la perte d’autonomie.

Deuxième point commun : la plupart des projets d’EHPAD HM et de PNS SD sont des projets de réseau d’action sociale, au sens développé ci-après. Ce qui frappe le plus l’observateur lorsqu’il se penche sur les projets d’EHPAD HM et de PNS SD, c’est leur référence implicite au modèle théorisé par Daniel Lutrin dans un livre écrit il y a 23 ans : « Le Chêne et le Réseau - Réseaux d'action sociale - Concepts & mise en œuvre » . Renvoyant dos-à-dos « socio-puristes » et « techno-rigides », Daniel Lutrin détaille dans cet ouvrage les modèles fonctionnels et organisationnels qui fondent les réseaux de demain (il écrit en 1996 et parle donc des réseaux d’aujourd’hui…). On note en particulier les passages suivants :

  • Le réseau d'action sociale est une organisation dédiée à une mission sociale ou médico-sociale qui intègre le fonctionnement d'opérateurs autonomes, fédérés volontairement par la mission, dans une structure de bus. Celui-ci matérialise l'ensemble des relations non hiérarchiques établies entre les membres du réseau avec une volonté forte et constante d'échanges organisés et informels. Pour D. Lutrin, la fonction de bus peut être appréhendée comme une autoroute à laquelle tous les acteurs du réseau ont librement accès, bénéficiaires comme opérateurs, et par laquelle toutes les demandes sociales, les prestations, les services et les informations peuvent être échangés.

  • Les bénéficiaires ont accès au réseau par l'intermédiaire de circuits de prescription et de connexion perçus comme un guichet d’accès unique.

  • La tête de réseau est un opérateur légitimé par sa capacité à garantir le fonctionnement global du réseau et à mobiliser ses ressources ; elle est sans autorité sur l'organisation interne des autres opérateurs.

  • Le régulateur, le plus souvent une collectivité publique, est externe au réseau. Il exerce son autorité (d'origine législative ou réglementaire) par des relations bilatérales avec chaque opérateur et exerce simultanément des responsabilités d'incitation au fonctionnement en réseau, celui-ci étant alors perçu par lui comme un ensemble organisé de coopération.

  • L'organisation du réseau encourage l'utilisation de ressources partagées et d'une banque de données dont l'exploitation commune tend à accroître l'efficience du réseau, en maîtrisant les coûts tout en développant l'assurance qualité de l’ensemble.

Pour preuve, comme le souligne Véronique Chirié, directrice de TASDA (Technopole Alpes Santé à Domicile et Autonomie) :

  • « L’expérience MADO, une des plus développées sur le sujet EHPAD à domicile, développe une organisation appuyée fortement sur une coordination. Il est nécessaire de définir un référent de la situation qui s’assure de la bonne complémentarité et articulation des différents services à domicile… Pour le PNS SD, on fait le constat aujourd’hui d’une réelle difficulté d’accès et d’appropriation des services sans un accompagnement. En d’autres termes, les expérimentations développent aussi la notion de référent de situation, qu’il y ait un plan d’aide ou non. »

  • « Pour l’EHPAD HM, même si l’établissement apporte un grand nombre de services (logistiques, AVQ, animation, …) il est fort probable ici aussi, qu’il ne pourra pas subvenir à tous les services nécessaires au projet de vie du bénéficiaire (avec les volets lien social, activité physique, transport, etc.). Il faudra donc articuler des services fournis par l’établissement avec des services existants sur le territoire. une bonne connaissance des services et activités de proximité est donc nécessaire. Cela rejoint la fonction d’annuaire et d’agenda des PNS SD ! »

Troisième point commun : un modèle économique et juridique qui se cherche. Les projets d’EHPAD HM et de PNS SD sont des projets expérimentaux, qui visent à tester différents bouquets de services, auprès de différents publics, sur différents territoires. Tous cherchent leur modèle économique et juridique. Un modèle essentiellement basé sur le financement public pour les EHPAD HM à ce jour, la promesse de financements plus diversifiés pour les PNS SD. Mais on est encore loin d’avoir identifiés les financements pérennes. Et le cloisonnement sanitaire / médico-social / social ne facilite pas les choses même si les Fonds d’Intervention Régionaux -FIR- autorisent une fongibilité des budgets du sanitaire vers le médico-social quand celui-ci permet des réponses alternatives aux hospitalisations inappropriées de personnes âgées qui interviennent à l’occasion de rupture dans leur parcours de santé.


Alors où se logent les différences ? Même si les finalités se rejoignent sous un certain nombre de points, concernant le volet santé, on peut noter que les PNS SD s’inscrivent dans le développement d’une santé ambulatoire, qui concerne toutes les personnes porteuses d’une pathologie chronique, alors que les EHPHAD HM constituent une tentative de définir un segment supplémentaire dans les réponses aux parcours des seules personnes âgées. En conséquence, dans les modèles économiques possibles, les PNS SD sont porteuses de mutualisation des coûts pour différents publics et permettent d’imaginer leur financement - à travers les FIR dont dispose les ARS - par transfert des sur-dépenses hospitalières vers une médecine ambulatoire plus appropriée et moins couteuse.

Pour le reste, les différences résident plus dans la gouvernance des projets et dans les opérateurs-clés que dans la nature des principaux services proposés à terme. Les ARS semblent s’intéresser plus pour le moment aux projets d’EHPAD HM et fort naturellement, il en est de même pour les principaux groupes gestionnaires d’EHPAD. Les collectivités territoriales ne dédaignent pas ce concept, mais elles regardent de près les PNS SD et fort naturellement, il en est de même pour les principaux groupes gestionnaires de services d’aide à domicile. Dans tous les cas, le monde de l’assurance (et de la banque-assurance) observe avec intérêt. Espérons un rapprochement progressif de tous ces acteurs dans les prochaines années, dans l’intérêt des patients/usagers/consommateurs !

Un point de vigilance toutefois : les projets en cours sont autant d’occasion de tester différents modèles stratégiques, fonctionnels, économiques et juridiques. Mais ils font courir le risque de déboucher, une fois de plus, sur autant de solutions informatiques fermées, avec les inconvénients qui vont avec. C’est la raison pour laquelle EDESS lance en 2019 un programme de 24 mois de retours d’expérience, d’échanges et de débats, programme qui a été initié par un colloque à Paris le 3 avril dernier.


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