La réorganisation de la DGFIP va profondément modifier les relations entre collectivités locales et DGFIP. Sauf à en subir les effets négatifs, les collectivités ont tout intérêt à s’y préparer et trouver des solutions alternatives… qui pour certaines existent déjà.
Annoncé fin 2018, le projet de réorganisation de la DGFIP baptisé « bâtir un nouveau réseau » aura des impacts importants de toutes natures, ce qui justifie d’ailleurs les nombreuses contestations qu’elle rencontre :
Impacts sociaux sur les agents de la DGFIP (diminution annoncée de 10 000 à 15 000 postes d’ici 2024, modifications dans le contenu du poste de nombreux agents et transferts géographiques significatifs).
Impacts en termes de service public délivré et d’aménagement du territoire : la DGFIP affiche une augmentation du nombre de points de contacts mais le contenu de ceux-ci évolue fortement (l’accès physique direct aux services de la DGFIP va notablement diminuer).
Le traitement de masse des opérations, corollaire de la nouvelle organisation, nécessitera une qualité comptable optimisée de la part des collectivités.
La fin de la relation privilégiée entre le comptable public et les collectivités de son ressort, autorisant certaines adaptations au contexte local et donnant un rôle de conseil au comptable public.
La réorganisation est-elle inéluctable ?
Cette réorganisation s’inscrit dans le droit fil des évolutions enregistrées depuis la fusion de 2009.
Depuis 2009, les effectifs ont fortement diminué, plus que n’importe quelle autre administration de l’Etat. Le rapport de la Cour des Comptes de 2018 (« DGFIP : la fusion 10 ans après ») évaluait à 17% la baisse consentie entre 2009 et 2016. Pour autant, la DGFIP se caractérise, encore aujourd’hui, par un réseau d’implantations locales sans comparaison avec les autres pays développés (un peu moins de 4 000 aujourd’hui) ; au sein de ce réseau, plus de 2 600 trésoreries.
Pour autant la baisse des effectifs n’avait pas été accompagnée d’une adaptation parallèle de l’organisation territoriale, avec pour effet que le dispositif actuel est à bout de souffle.
A titre d’exemple, en 2016, 600 trésoreries comptaient moins de 5 agents et 1 000 entre 5 et 10, engendrant par exemple une grande difficulté à gérer les absences. Pour les collectivités locales, ceci s’est traduit très concrètement par une diminution du niveau de service de la DGFIP : difficultés dans le suivi du recouvrement (accroissement des risques d’impayés), dans la mise à jour de l’actif, dans l’accomplissement de la mission de conseil aux collectivités locales, etc. La réalité et/ou la perception de cette dégradation est évidemment très différente d’une collectivité à l’autre.
Une réorganisation territoriale de la DGFIP apparaît clairement inéluctable … mais son contenu précis, l’absence de véritable concertation préalable et son rythme de mise en œuvre interrogent (notamment dans le contexte politique et social actuel).
Comment faire face à cette réorganisation ?
Pour ne pas la subir, les collectivités doivent rapidement engager un processus de réflexion sur différents plans :
Une indispensable amélioration de la qualité comptable : face à un traitement de masse facilité notamment par la dématérialisation, la collectivité doit s’assurer d’un respect scrupuleux des règles en vigueur (et de la compatibilité de ses procédures avec les exigences de la DGFIP dans le traitement tant des opérations « classiques » que des opérations complexes). A défaut, elle s’exposera à un accroissement prévisible du taux de rejet et des délais de paiement, sans parler de difficultés de recouvrement. Pour la collectivité, c’est donc toute la chaîne de la dépense et de la recette qui doit ainsi être optimisée.
Une nouvelle répartition des tâches entre collectivités et DGFIP, allant de la généralisation des différentes formes de contractualisations, à la mise en place d’agences comptables, voire la prise en charge directe de la totalité des missions de la DGFIP :
Mutualisation locale du conseil aux petites collectivités : malgré l’investissement personnel de nombreux comptables publics, la mission de conseil aux collectivités tend à disparaître. Or, pour les petites communes, il constitue un enjeu majeur. L’échelon intercommunal peut constituer ici un périmètre de réflexion privilégié pour y répondre, au travers d’une cellule de conseil mise en place par l’EPCI lui-même.
Contractualisation : processus ancien qui a permis de préciser les modalités de collaboration entre collectivités et comptable public, il s’agit de conventions de partenariat ordonnateur – comptable et plus récemment de contrôle allégé en partenariat (à vrai dire peu développé).
Constitution de structures collaboratives : alliant des moyens de la collectivité locale et de la DGFIP (le service facturier en est un bon exemple).
Mise en place d’agences comptables : dans le cadre inchangé de la séparation ordonnateurs-comptables, le comptable public étant un agent de l’Etat, il s’agit ici de constituer une agence comptable dont les moyens proviennent majoritairement de la collectivité :
La loi de Finances pour 2019 a institué ce dispositif alors qu’était annoncée la réorganisation de la DGFIP, ce qui n’est pas anodin.
Cette agence comptable revient à faire financer par les collectivités les missions relevant de l’Etat … mais elle peut aboutir à optimiser les processus comptables de manière significative.
Cette agence comptable pourra-t-elle être mise en place à l’échelle intercommunale (dans une optique EPCI + communes membres) ?
L’autonomisation totale des collectivités se pose déjà aujourd’hui dans le cas des régies de SPIC : ces dernières ont la possibilité de se doter d’un agent comptable qui se substitue donc au comptable public de l’Etat. Les missions de l’Etat sont ici totalement internalisées. L’enjeu est ici de maîtriser complètement les processus de la dépense et de la recette, mais également la gestion patrimoniale (le suivi de l’actif et du passif de l’entité). Le coût n’est pas négligeable mais est contrebalancé par l’enjeu d’un meilleur recouvrement, d’un suivi optimisé de l’actif et du passif, etc. Une telle organisation nécessite notamment la mise en place d’un contrôle interne efficace. La question se posera rapidement d’une extension de cette organisation à toutes les activités des collectivités locales (à l’instar de ce qui existe dans de nombreux établissements publics).
En conclusion, plutôt que de subir les effets de la réorganisation de la DGFIP, les collectivités locales ont tout intérêt à étudier des solutions pérennes permettant d’en contrer les effets, en mesurant pour chacune de ces solutions le rapport coûts / avantages au regard des moyens à mobiliser, mais aussi des gains qu’elles pourraient en retirer.