On ne présente plus les concepts et actions de l’innovation publique. Portée par l’intérêt que suscite le design de service (le Département de la Loire Atlantique a par exemple intégré des compétences de designer en partenariat avec l’école de design de Nantes), l’innovation publique gagne progressivement les collectivités qui sont nombreuses à se poser la question de la création d’un laboratoire d’innovation. La dynamique est nationale sur le sujet : des outils partagés sont disponibles : un MOOC sur le lancement d’un laboratoire publique d’innovation, une boîte à outil de la modernisation (comment faire ? : http://comment-faire.modernisation.gouv.fr/) Pour les collectivités urbaines, l’appropriation des concepts peut sembler plus aisée. Pour être au contact des collectivités rurales et notamment des Départements ruraux, il nous semble que ceux-ci représentent un terreau favorable voire très favorable à l’innovation publique. Tentative d’éclairage sur cette innovation en milieu rural et sur les atouts de ces territoires pour produire du résultat, sans caricature mais à travers une observation « in situ ».
La proximité : une relation spécifique à l’usager Le design est affaire de conception et de conception centrée sur l’usager. Dans le vocable et les méthodes du design le « parcours » tient une place centrale tout comme la création de personas, un usager type des services que l’on conçoit. En milieu rural, l’usager est connu des services : les Départements comme les communes entretiennent un lien fort avec leurs usagers et même sans outil de GRC, l’usager n’est pas un anonyme dans une liste : c’est un voisin, parfois même un membre de sa famille. Cette connaissance peut avoir de mauvais côtés mais dans une démarche de design, elle est précieuse car l’immersion en est facilitée. Les solidarités sont d’ailleurs incarnées en milieu rural : des réseaux d’entraide associatifs ou non structurent la vie des territoires parfois depuis plusieurs générations.
La « taille humaine » : une transversalité interne de fait On dit souvent des collectivités rurales qu’elles sont à « taille humaine ». Plus qu’ailleurs, la culture orale y est présente mais la communication est aussi plus informelle et donc plus fluide : les informations vont vites car les acteurs se connaissent. Cela peut (encore) avoir des effets négatifs mais dans une démarche d’innovation la communication est au cœur du processus : diffuser les messages, communiquer sur la portée des expérimentations et aller chercher l’engagement : autant d’actions peut-être facilitée en milieu rural. Dans les collectivités rurales, les agents départementaux sont non seulement des habitants du territoire mais ils sont aussi originaires du territoire. Le valoriser, s’engager pour développer de nouveaux services sont des éléments qui donnent du sens au quotidien de ces « enfants du Pays ». Cette motivation, ce sens intime que les agents peuvent trouver dans l’impact que leur action peut avoir sur leur territoire est gage d’une force d’engagement qui peut nous le croyons peut déplacer des monts ou des montagnes (selon le relief du territoire concerné).
Le pragmatisme du « terrain » : une affaire de traduction et de conception-action En ruralité, plus qu’ailleurs dans le secteur public, la diffusion de l’innovation ne va pas sans traduction, de l’Anglais vers le Français bien souvent mais également de traduction des concepts de l’innovation publique. Poser les concepts, les incarner fonctionne bien dans ces collectivités où bien souvent « on ne croit que ce que l’on voit » : c’est aussi la traduction de la réflexion à l’action. Le « passage à l’acte » est parfois difficile mais il est nécessaire pour démontrer l’intérêt du concept pour que les acteurs se l’approprient. Dans ces démarches les boucles de conception-expérimentation ou de conception-action doivent donc être courtes : passer à l’acte, expérimenter, dresser le bilan et changer d’échelle si le test est concluant ou revoir sa conception en se rapprochant de ce terrain (argileux ou calcaire). Dans ces territoires, ce passage à l’action peut se faire rapidement, les responsabilités sont souvent moins dispersées, et un lot d’acteurs clés au cœur du système dispose des leviers pour faire changer les choses, accélérer le mouvement. De manière surprenante parfois. Alors traduisons mais aussi repérons ces acteurs clés au sein des collectivités pour lancer des expérimentations et démontrer que l’innovation peut apporter des améliorations dans le service rendu aux usagers mais également dans le fonctionnement des services en internes. Investiguons ce concept d’intelligence rurale qui en miroir de la Métropolisation est lui aussi nécessaire à l’équilibre territorial, à un accès à des services de qualité partout sur le territoire.